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Articles

Affichage des articles du 2023

L'avare (Molière)

Molière voulait faire rire ses contemporains avec des pièces rythmées qui tournaient en dérision certains d’entre eux, en l’occurrence dans « L’avare » de riches bourgeois égoïstes et cyniques. Harpagon est tellement pingre qu’il en est ridicule, il préfère son argent à ses enfants. Son nom deviendra un substantif de la langue française. En refermant le livre de poche de la pièce, j’ai eu trois pensées :  - L’histoire est familière  - La lecture est rapide  - La pièce est distrayante et la prose élégante : vivement que je la vois en vrai ! Pour la première impression, le film avec Jean de Funès et ses multi diffusions à la TV sont passés par là. Et pour la seconde, il ne faut apparemment pas tant de lignes que ça pour tenir deux heures au théâtre. Je dirais que ça se lit un peu trop vite quand on n’a pas le visuel à sa disposition, avec les acteurs, la mise en scène, le décor, etc... C’est là que la troisième impression entre en scène puisque ce sera chose rattrapée le mois prochain à

Quelque chose du Japon - Angelo Di Genova

  La partie émergée de l'archipel Quelque chose du Japon,  publié par les éditions Nanika, est un excellent ouvrage  que j'ai acheté à la boutique du musée du Quai Branly pour l'exposition Kimono . L'auteur qui habite Osaka depuis longtemps nous raconte dans un format type guide de voyage, au travers d'assez courts paragraphes illustrés, à la fois sérieux et ludiques, ce qu'il est bien de connaitre lorsqu'on s'apprête à visiter, ou tout simplement par pure curiosité intellectuelle, ce pays d'Asie pas tout à fait comme les autres. Car "Si beaucoup disent aimer le Japon, la plupart ne savent pas que ce qu’ils aiment, c’est surtout l’image qu’ils s’en font. Car derrière ces clichés se cache un Japon du quotidien qui, certes, colle parfois à ces images mais s’en détache aussi souvent." Histoire, religion, cuisine, culture pop, vie quotidienne au rythme des saisons mais aussi simples codes, tuyaux et vocabulaire ... Que de sujets intéressants po

Se résoudre aux adieux (Philippe Besson)

Catharsis La Havane, New York et Venise ... trois lieux, trois ambiances. Louise voyage et écrit à Clément des lettres auxquelles il ne répondra pas. C'est le remède qu'elle espère cathartique pour faire le deuil d'une histoire d'amour terminée qui lui tord les boyaux. Je ne sais pas pourquoi, ce roman-là de Philippe Besson, je me le gardais sous le coude. Avec un tel sujet et un tel titre, j'avais l'intuition, proche de la certitude, que ce roman aurait sur moi un effet approchant celui qu'a eu En l'absence des hommes il y a quelques années. Sans atteindre les sommets du roman précité, rien dans Se résoudre aux adieux ne me déçoit. Philippe Besson confectionne un bijou pur de sensibilité et d'humanité, dont la finesse m'a semblé décuplée par le dépouillement du récit. Pas d'histoire compliquée, juste les pensées d'une femme malheureuse qui lèche ses plaies béantes pour survivre au manque. La dernière partie est ma préférée. La douleur

Germinal (Émile Zola)

La misère encore plus pénible sous terre J'ai lu qu'à sa première édition,  Germinal n'avait pas été un aussi gros succès de librairie que certains autres volumes des Rougon-Macquart. En revanche, il est incontestablement devenu avec le temps son tome le plus célèbre et le plus vendu. Et on comprend bien pourquoi tant le récit est spectaculaire et le drame à son climax. Toute la beauté de la saga et toute sa force pourraient être résumées dans cet épisode exemplaire, celui d'Étienne Lantier, fils de Gervaise, qui, se retrouvant presque par hasard embauché dans l'une des nombreuses mines de houille du nord de la France, deviendra l'un des instigateurs d'une grève aux conséquences effroyables. Tout est parfait dans Germinal . Je ne vois pas ce qu'un lecteur pourrait lui reprocher à part à avoir en soi l'éxécration de la violence, le dégoût de la misère, le refus de l'impudeur du désespoir ou encore l'écoeurement de l'injustice. 😂 C'est

Des hommes couleur de ciel (Anaïs Llobet)

  Vivre caché ou mourir Avant de commencer la lecture, je m’interrogeais sur le sens de ce joli titre poétique. Je l'ai trouvé nettement moins à mon goût en apprenant que c'est ainsi qu'on appelle en Tchéchénie les hommes qui aiment les hommes. Il n'y a apparemment pas de terme officiel, le déshonneur étant si grand pour la famille qu'un homosexuel doit se résoudre à vivre caché au risque d'être assassiné. Pour Kirem et Makhmoud, être gay est en tout cas un crime bien plus grave que de lancer une bombe dans la cantine d'un lycée de La Haye ... Oumar et Alissa, de leur côté, tentent de laisser derrière eux leur pays en guerre pour se reconstruire aux Pays-Bas. Un roman très actuel, profondément ancré dans la réalité qui, dans le désordre, parlent d'intégration, de liberté, de déracinement, de reconstruction, d'identité, du poids des traditions, de religion, des valeurs en opposition ... Tout cela dans un récit fort et riche, pas si long et vraiment tr

Retour à Birkenau (Ginette Kolinka)

  L'homme est un loup pour l'homme La déportation des Juifs sous l'Allemagne nazie est aussi incontestable qu'abjecte. Le lecteur ne peut qu'accuser réception des récits et témoignages de l'époque et personnellement, je les prends toujours en pleine tête. Chaque témoignage est unique et celui de Madame Kolinka est simple, direct et pudique. En tout cas dépouillé de tout artifice et surtout de précisions ou détails qui auraient ajouté pathos et sordide à ce qui l'est déjà. Elle ne s'apesantit pas. De son court récit ressort étonnamment une forme de légèreté. Evidemment pas sur les faits impardonnables eux-mêmes mais sur sa façon d'aborder son récit. Cette légèreté, on a le sentiment que Ginette Kolinka l'a érigée en règle de conduite pour pouvoir avancer, comme une philosophie de vie qu'elle a décidé de cultiver face au malheur. Non pas par manque d'intelligence, comme elle le prétend, mais par choix délibéré du bonheur. Sa manière à elle

Pourvu que mes mains s'en souviennent (Quentin Ebrard)

  Sale colo Louise, la narratrice, est retenue contre son gré dans un mystérieux château en bord de mer. Elle ne rêve que de retrouver ses parents à qui on l'a apparemment enlevée. Pourtant, rien dans cette histoire n'est clair et tout particulièrement dans sa tête. Des souvenirs flous la submerge alors que ses camarades d'infortune paraissent résignés face à une situation insupportable pour elle. Peu importe, avec deux complices pots de colle, elle décide de tout faire pour s'échapper. Voilà le point de départ d'un premier roman vraiment très réussi, à mi-chemin entre le roman jeunesse et le thriller psychologique. Est distillé dès la première page et tout le long du récit, un véritable suspense avec une tension qui monte crescendo grâce au talent de Quentin Ebrard qui lâche les indices au compte-goutte sans qu'on sache clairement les interpréter. Chacun se fait sa petite idée, se monte un film dans sa tête. Ca a fonctionné à fond pour moi car quand le dénoueme

La force des discrets (Susan Cain)

  Introvert power Le sujet est vaste et n'est pas aisé à synthétiser même pour un introverti comme moi davantage à l'aise à l'écrit qu'à l'oral. 😁 Je ne vais pas essayer, je dirais juste que dans nos sociétés occidentales, l'extraversion est perçue comme plus en adéquation avec les codes sociaux généralement admis dans le monde professionnel et dans la sphère intime, que l'introversion qui, au contraire, peut être perçue comme un manquement comportemental. L'essai nous explique que l'extraversion n'est pas forcément un atout et que notre positionnement sur le large spectre de l'introversion et de l'extraversion est une composante innée du tempérament qu'il nous appartient de retoucher pour tendre vers un point d'équilibre, plus ou moins naturel, plus ou moins précaire, nécessaire à l'adaptation à notre environnement et à la sauvegarde de notre harmonie personnelle. Au risque d'être hors sujet, mon observation est que nous

Le goûter du lion (Ogawa Ito)

Partir en paix Shizuku est atteinte d'un cancer incurable. Elle arrive dans l'île aux citrons pour devenir pensionnaire de la Maison du Lion qui, elle l’espère, l’aidera à aborder l’imminence du repos éternel ... Il m'est dorénavant difficile de louper les rendez-vous que Ito Ogawa nous donne depuis quelques années tant ils sont à chaque fois la promesse d'une histoire délicate, apaisante et lumineuse. C’est encore le cas cette fois-ci malgré un sujet compliqué : la fin de vie. La littérature de cette auteure japonaise trouve grâce à mes yeux car elle nous raconte toujours de jolies histoires dans lesquelles elle se débrouille pour introduire, l’air de rien, quelques tuyaux pour suggérer au lecteur de tendre vers une forme de sérénité. Mais elle le fait sans l’implicite injonction que contiennent les livres de développement personnel. Dans ses romans, on a aussi la sensation, en gardant bien en tête que le Japon ce n'est pas que ça, de toucher du doigt la culture ja

Le cabaret des mémoires (Joachim Schnerf)

La mémoire ne doit pas flancher Trois lieux et trois temporalités. Rosa, une vieille dame en Amérique qui témoigne chaque soir dans son cabaret de son expérience de la déportation, son petit neveu Samuel qui, en France, vient d'être papa et, mes passages préférés, les souvenirs de jeux d'enfants de Samuel avec sa soeur et son cousin alors que, dans la forêt vosgienne, ils fantasmaient le far-west de leur grand-tante, le personnage mythique de la famille. J'ai vécu la lecture du beau et court roman de Joachim Schnerf  Le cabaret des mémoires  comme je vivrais celle d'un conte un peu irréel où lyrisme et onirisme se mêleraient aux drames de l'Histoire, un peu à la manière du  Soldat désaccordé  de Gilles Marchand qui se jouait de la première guerre mondiale. Pourtant, à chaque fois, le sujet est grave et le message essentiel. La mémoire, notion aussi capitale que fragile. Samuel mesure le poids de son rôle dans l'éducation de son fils nouveau né quand il sera en â

Versailles, vérités et légendes (Jean-François Solnon)

Mise au point  Versailles est né de la jalousie de Louis XIV envers Fouquet, Versailles est le chef d'oeuvre de l'art classique français, Versailles était peuplé d'une foule de courtisans, Versailles était un cloaque ... Voici quelques-unes des allégations souvent entendues sur lesquelles Jean-François Solnon se penche dans ce "Vérités et légendes" des éditions Perrin. Ce château est dans l'esprit des Français LE palais des rois de France alors qu’il a été la résidence principale de seulement trois d'entre eux (Louis XIV, Louis XV et Louis XVI). Il fait l'objet de beaucoup de croyances dont certaines sont vraies, d’autres fausses et d'autres encore, peut-être les plus nombreuses, qui ne sont que des semi-vérités, exagérées à la hauteur de cet objet de fantasmes pour le monde entier et à toutes les époques. Seuls sont abordés, sous la forme de 39 chapitres, les sujets polémiques qui ont contribué à leur façon à sa notoriété. En refermant le livre, d

Home (Toni Morrison)

Home is where it hurts Je crois qu'avant même d'avoir ouvert Home de Toni Morrison, j'étais fermement décidé à en raffoler. Pas de ce roman en particulier mais de toute oeuvre de l'auteure américaine, lauréate du prix Nobel de littérature qui semble avoir consacré une partie importante de son oeuvre à l'identité noire dans une Amérique ségrégationniste. Je ne pouvais qu'aimer et de fait je n'ai pas détesté, loin de là, mais une forme de distance s'est rapidement installé entre moi et les quelques personnages quelque peu sous-exploités d'un roman au format court et à la narration polyphonique. L'écriture est franchement belle et dégage une atmosphère à la poésie noire mais le style aux accents lyriques rend le récit aux ressorts clairement réalistes, presque irréel, voire vaporeux, comme si Toni Morrison ne souhaitait pas faire peser sur le lecteur toute l'étendue du drame qui se noue. Frank, un noir américain brisé par la guerre de Corée, tr

Call me by your name (André Aciman)

Aller à la "pêche" Le titre du roman est très beau. « Appelle-moi par ton nom et je t'appellerai par le mien » ou l'histoire de la fusion totale pendant quelques semaines entre deux jeunes hommes au cours d'un été des années 80. Avant de tomber dans les bras l'un de l'autre, les deux amants se tournent d'abord autour pendant un petit bout de temps (perdu). Et presque davantage que la liaison dont on devine l'intensité par quelques scènes torrides, c'est ce que je retiens du livre : la frustration de ne pas obtenir l'autre qui précède la terrible perspective de le perdre dans quelques jours. 😥 Cette dramaturgie participe évidemment au plaisir de la lecture que nous offre André Aciman. Ça et ses personnages Elio et Oliver qui font indéniablement rêver. On aimerait être à leur place : jeunes, beaux et bronzés à passer tout un été dans une belle villa italienne, à se baigner, jouer du piano, lire, écrire, aller boire des coups à la piazzetta d

209 rue Saint-Maur Paris Xe, autobiographie d'un immeuble (Ruth Zylberman)

Tirer le fil Autobiographie d'un immeuble ... drôle de formulation, comme si l'immeuble en question, situé tout en haut de la rue Saint-Maur à Paris, prenait la parole pour parler de lui. C'est pourtant l'esprit de ce récit mis en mots par Ruth Zylberman qui nous explique qu'elle a choisi l'adresse presque à l'aveugle parmi la longue liste de lieux répertoriés pour avoir connu l'horreur de la déportation d'enfants juifs pendant l'occupation allemande. Après avoir fini le livre, je me suis logiquement précipité sur le documentaire Les enfants du 209 rue Saint-Maur qui, pour le coup, se concentre vraiment sur ces enfants déportés ou rescapés. J'avoue avoir été un peu déçu car le livre est infiniment plus riche. Il raconte de A à Z la longue et patiente enquête que Ruth Zylberman a mené pour redonner vie à cet immeuble et aux familles qui y ont vécu de sa construction au 19ème siècle jusqu'aux années 2010. Il en dit beaucoup sur ce quartie